jeudi 3 mars 2011

Tunisie : Régime parlementaire ou semi-présidentiel comprendre pour choisir - Samy Ghorbal


Chers amis,

Avant de quitter Tunis pour d'autres cieux, je vous propose cet article publié par mon ami Adib.
L'article a été rédigé par un ami, Samy Ghorbal qui a longtemps été journaliste chez Jeune Afrique. Il connait très bien la Tunisie de par sa naissance mais aussi de par toutes les enquêtes qu'il y a mené durant les années Ben Ali.

Cet article est très instructif car il explique les différents mécanisme du régime parlementaire et semi présidentiel tout en donnant quelques conclusions sur le devenir de la Tunisie selon le régime choisi.
Bonne Lecture

Sanda Salakta


Le régime parlementaire

il se caractérise par le rôle prédominant du Premier ministre, qui exerce la réalité du pouvoir exécutif. Le chef de l’Etat est, le plus souvent, purement honorifique.
Les ministres et le chef du gouvernement (l’exécutif) rendent régulièrement des comptes au Parlement (le législatif) et peuvent être interpellés et placés dans l’obligation de se justifier. Ou de se démettre. En contrepartie, le gouvernement peut recourir au droit de dissolution du parlement.
Le régime parlementaire est en vigueur en Espagne, Pays-Bas, Danemark, Suède et Norvège qui sont des royaumes, et au Japon qui est un empire. En réalité, l’Italie et l’Allemagne sont, les seuls exemples de grandes « républiques parlementaires ». Cette singularité s’explique par les traumatismes du fascisme et du nazisme, qui ont amené Ies italiens et Allemands à éviter d’instituer un président fort.


Le système parlementaire pratiqué au Royaume-Uni et en Allemagne permet une remarquable stabilité gouvernementale. En revanche, la France des IIIème et IVème Républiques, et l’Italie, depuis 1948, ont vu les gouvernements se succéder à des rythmes effrénés. Dons l’instabilité ministérielle (ou gouvernementale) constitue le défaut le plus visible du parlementarisme.
Pour quelles raisons ?
Les conditions pour qu’un régime parlementaire fonctionne correctement sont au nombre de deux:

1- un système de partis cohérent :
Pour gouverner efficacement, un Premier ministre doit s’appuyer sur une majorité stable. Or plus le nombre de partis représentés au Parlement est important, et plus faibles seront les chances de voir se dégager une majorité cohérente. C’est parce que le jeu politique britannique se résume pour l’essentiel à un jeu de bascule entre deux grands partis antagonistes, les travaillistes et les conservateurs, que le système britannique a produit de si bons résultats sur la durée. Ceci, est également valable pour l’Allemagne, où les partis de gouvernement sont quatre mais fonctionnent traditionnellement par couples de deux (Sociaux-démocrates et Verts, Chrétiens-démocrates et Libéraux). A l’inverse, la multiplication des partis politiques oblige le leader du parti arrivé en tête aux élections à avoir recours à des marchandage sordides avec les dirigeants des grands partis et des petites formations pour obtenir son investiture et former un gouvernement de coalition, par la suite il vivra en permanence sous la menace de défections qui le priveraient de majorité. Il sera dans l’impossibilité de procéder aux réformes. C’est par exemple le cas en Israël, où les cabinets successifs sont, depuis une quinzaine d’années, otages des ultra-orthodoxes du Shass…

2- un mode de scrutin adéquat.
Le 1er mode est le scrutin proportionnel intégral : plus équitable car chaque parti sera représenté au parlement à la mesure de son poids électoral. Mais il entraîne la fragmentation politique et engendre des gouvernements de coalition faibles et instables (comme cela été expliqué plus haut).
Le 2ème mode est le scrutin majoritaire : Il y a deux variantes :
Le scrutin majoritaire à un tour : ll permet de dégager des majorités donc un gouvernement stable, mais peut provoquer de très fortes distorsions dans la représentation.
Le parti arrivé en tête le soir de l’élection est déclaré vainqueur s’il obtient le pourcentage de votes le plus haut même si ce pourcentage est inférieur à la majorité absolue (51%).
Par exemple si trois partis sont en course : si l’un d’eux obtient 40% des voix et les deux autres 30% chacun, c’est le parti qui a obtenu 40% qui obtiendra 80% des sièges au parlement.
Le scrutin majoritaire à deux tours : pratiqué en France, est moins brutal que la variante anglaise. Et il a le mérite d’incite les partis à négocier entre les deux tours de scrutin pour faire des coalitions. Le grand handicap du scrutin majoritaire est qu’un parti politique important peut être privé de représentation nationale. Par exemple si trois partis sont en course : si l’un d’eux obtient 40% des voix et les deux autres 30% chacun, c’est le parti qui a obtenu 40% qui obtiendra 80% des sièges au parlement. Par contre si les deux partis qui ont obtenus 30% chacun font coalition au deuxième tour alors c’est eux qui vont obtenir 80% des sièges au parlement alors que le parti qui a obtenu le score le plus haut n’obtiendra que 20% des sièges.
Le régime semi-présidentiel, ou « mixte » : un compromis efficace

Il constitue aujourd’hui le modèle le plus répandus dans beaucoup de pays. Le risque dérive présidentialiste est la principale critique de ce système. Il peut cependant être efficacement contrebalancé par les mécanismes institutionnels et politiques qui seront détaillés et ce régime dispose d’une qualité essentielle : il permet d’éviter les risques de blocage récurrent de l’action du gouvernement par un parlement hostile comme dans le régime parlementaire.

Le premier modèle envisageable est celui des états unis. Le président est le chef de l’exécutif et tire sa légitimité de son élection au suffrage universel. Il doit composer avec une assemblée législative (le congrès) qu’il n’a pas le droit de dissoudre et avec une justice indépendante. Une cour suprême, appelée aussi parfois tribunal constitutionnel, est instituée pour arbitrer les conflits qui peuvent surgir entre l’exécutif et l’assemblée législative (le congrès) sur l’étendue de leurs pouvoirs respectifs. Ce tribunal constitutionnel, organe de régulation fondamental du système, contrôle aussi la conformité des lois élaborées par l’assemblée à la Constitution.

Le système en vigueur en France depuis 1958 est une autre variante du régime semi-présidentiel ou « mixte ». Il se caractérise par un exécutif à deux « têtes », qui comporte un président et un Premier ministre, nommé par ce dernier, mais responsable devant le Parlement à qui il doit rendre des comptes lui et tous les ministres de son gouvernement. Le président dispose d’un pouvoir de nomination étendu, car il tire sa légitimité directement du peuple, qui l’élit au suffrage universel. Les députés de l’assemblée sont élus au suffrage universel direct. Pour être élu dès le premier tour, il faut obtenir la majorité absolue, (supérieur ou égal à 51%). Si aucun candidat n'y parvient, il y a lieu à un second tour de scrutin auquel ne peuvent se présenter que les candidats ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % des électeurs inscrits. Pour être élu au second tour, la majorité relative suffit : l'emporte donc le candidat qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages.
Le nombre de députés varie selon le nombre d’habitants dans chaque région. Plus une région est peuplé plus elle a des députés qui la représentent. L’assemblée se renouvelle intégralement, tous les cinq ans.
Les députés du sénat (sénateurs) sont élus au par des collèges électoraux composés de personnes elles-mêmes élues au suffrage universel (conseillers régionaux, conseillers généraux, délégués des conseils municipaux, etc.). Les sénateurs sont élus pour six ans, avec un renouvellement par moitié, tous les trois ans.
Le parlement est composé de deux chambres l'assemblée nationale désigne la chambre basse, par opposition à la chambre haute ou sénat. L’assemblée et le Sénat ont un rôle législatif, mais en cas de désaccord entre elles sur un projet de loi, c'est l'Assemblée qui a le dernier mot. En outre, elle a seule le pouvoir de renverser le gouvernement.

Les Rôles de l'Assemblée sont:
Voter les lois avec le Sénat,
Contrôle de l'action gouvernementale :
- vote des questions de confiance sollicitées par le gouvernement,
- vote de motions de censure contre le gouvernement...
Modification de la Constitution.
Si une révision constitutionnelle n'a pas lieu par referendum, elle doit être votée à la fois par l'Assemblée nationale et par le Sénat.

Le Parlement dans ce régime est une instance législatrice, et le Gouvernement avec à sa tête le président est l’organe d’exécution. La justice conserve son indépendance.
La qualité première du régime présidentiel à la française réside dans le fait qu’il prend en compte le critère de l’efficacité. Le président élu, conserve même en cas de blocage avec le parlement quand ce dernier est composé d’une majorité de députés appartenant aux partis de l’opposition, les moyens constitutionnels d’assurer la continuité de l’Etat pour lancer les réformes économiques et sociales. La dissolution de l’assemblée par le président est possible en cas de blocage et après avis du Sénat et elle apparaît comme la contrepartie de la possibilité pour les députés de l’assemblée de renverser le gouvernement par le biais de la motion de censure. Par contre le président ne peut pas dissoudre le sénat ce qui permet de garder un contre pouvoir au gouvernement même après dissolution du sénat.


Quelles institutions pour la Tunisie démocratique ?

Chaque système présente des avantages et des inconvénients.
Alors, comment choisir ?
Tout simplement en essayant d’imaginer la solution la moins mauvaise compte tenu de l’équation politique tunisienne. Le régime parlementaire a aujourd’hui le vent en poupe. Mais c’est une solution très difficile à appliquer pour la Tunisie dans le contexte actuel car nous avons vu que pour fonctionner, le régime parlementaire suppose la réunion de deux conditions : un système de partis cohérent et un mode de scrutin adéquat. Or ces deux questions ne seront pas simples à résoudre et donneront lieu à des affrontements vigoureux, à des polémiques passionnées entre les partis politiques. Supposons malgré tout que l’on parvienne à trouver des réponses satisfaisantes. Reste un second problème, plus aigu encore : l’absence de partis politiques réellement représentatifs du peuple tunisien c'est-à-dire d’organisations possédant des orientations bien arrêtées, des militants et des cadres, et des ramifications dans l’ensemble de la société et sur l’ensemble du territoire :
Le PDP compte entre 1000 et 2000 militants
Ettajdid sans doute deux fois moins.
Les destouriens rénovés d’Al Watan regroupés derrière Mohamed Jegham et Ahmed Friaa. Combien sont-ils, sont-ils du côté de la Révolution, ou aspirent-ils à une restauration de l’ancien régime sous un autre nom?
Une seule certitude : Ennahda est la seule formation tunisienne présentant un mouvement de masse.
Ce n’est pas un hasard si c’est aussi la seule à avoir exprimé franchement sa préférence pour le régime parlementaire. Car elle aurait tout à y gagner.
Dans ces conditions, si demain, des élections législatives étaient organisées, la nouvelle chambre serait un magma extrêmement fragmenté, avec une multitude de partis représentés incapables de dégager une majorité parlementaire solide et stable? Le risque serait grand que le pays s’englue dans une crise politique interminable avec une paralysie des institutions. Or de profondes réformes économiques et sociales doivent être mises en œuvre, de toute urgence. Il faut un exécutif solide et cohérent qui soit en mesure d’impulser ces réformes, car qu’adviendra-t-il sinon ? La désespérance du peuple, qui fera le jeu des extrêmes.

La solution la meilleure, la plus facile à mettre en œuvre et la plus efficace au regard des données actuelles de la scène politique tunisienne est le régime semi-présidentiel ou mixte, dont le professeur Yadh Ben Achour parlait dans ses premières interviews et qui présente l’avantage de concilier les exigences d’efficacité et de démocratie.
Bien entendu, nos institutions ne pourront être conservées en l’état. La séparation des pouvoirs législatif et exécutif devra être renforcée et les modalités de contrôle du Parlement sur le travail de l’exécutif renforcé.
Le chef du gouvernement doit pouvoir rendre des comptes sur son action. Et le cas échéant, être renversé par une motion de censure.
Chacun serait dans son rôle : le Parlement, dans celui d’une instance législatrice, et le Gouvernement dans celui d’organe d’exécution. Le président élu, véritable chef de l’exécutif, aurait, même en cas de crise ou de blocage avec l’assemblée, les moyens constitutionnels d’assurer la continuité de l’Etat. Et politiquement, même s’il ne possède pas la majorité à la chambre, il aurait toute la légitimité pour lancer les réformes économiques et sociales que le pays attend. Car ne nous y trompons pas : l’urgence, c’est les défis sociaux !

Le régime semi-présidentiel est donc la solution la plus réaliste et démocratique compte tenu du contexte actuel.

Pour en savoir plus
Sources :
Article publié par Samy Ghorbal dans Leaders le 1/3/2011
Wikipédia
Site officiel de l’assemblée nationale française
Site officiel du sénat français

3 commentaires:

  1. Bravo copine pour ton engagement !

    RépondreSupprimer
  2. si le regime presidentiel ou semi derive, il faudra attendre pour le moins deux decennies pour que les choses deviennet susceptibles de chagnements . alors il est preferabel de vivre la pagaille parlementaire, c'est le meilleur apprentissa...ge du debat, de la liberte et de la democratie.... s'il y blocage, l'experience, le vecu politique fera forcement naitre un de gaulle qui fera transiter le pays vers un regime plus stable (en evitant ses conneries) ... le regime presitdentiel pour une pays tel que la T. sans traditions democratiques est extrement dangereux....

    RépondreSupprimer
  3. moi je suis pour le régime mixte mais avec des garanties constitutionnelles qui évitent tout dérapage, le tout sous la vigilance d'une société civile libre et active.
    je suis contre "yet3lmou el Hjama fi rous el ytema" les tunisiens qui ont une culture politique et associative qui se rapproche du néant après 55 ans de parti état auront tout le temps d'apprendre le e débat politique au sein du régime mixte sans pour autant bloquer le développement du pays.
    malheureusement MAD il ne faut pas comparer la Tunisie à d'autres états surtout européens car pour l'instant c'est incomparable !

    RépondreSupprimer